Il y a des groupes qui, malgré leur talent indéniable, passent à la trappe de l'histoire. Moby Grape, quintet psychédélique de la scène rock californienne des années 60, est de ceux-là. Malgré la reconnaissance des connaisseurs, le groupe est resté dans l'ombre des géants de l'époque, comme les Doors ou Jefferson Airplane. Redécouvrons ensemble ce bijou caché de l'histoire de la musique.
La naissance de Moby Grape se produit en plein cœur du bouillonnement culturel et artistique du San Francisco de 1966. Ses cinq membres, issus de diverses formations de la scène locale, se réunissent autour d'un objectif commun : créer une musique qui fusionne les influences blues, folk et rock avec une touche psychédélique. Leur talent ne passe pas inaperçu et très vite, ils sont signés par le label Columbia Records.
Leur premier album éponyme, sorti en 1967, est une démonstration étincelante de leur vision musicale. Les critiques de l'époque sont élogieuses, mais le grand public reste relativement indifférent, en partie à cause d'une campagne de promotion maladroite de Columbia. Malgré tout, des titres comme « Omaha » ou « Hey Grandma » restent aujourd'hui des classiques du rock psychédélique.
Avec ses cinq chanteurs et compositeurs, Moby Grape est un véritable collectif artistique, où chaque membre apporte sa voix et sa vision. Cette diversité se ressent dans leur musique, à la fois cohérente et foisonnante, où les harmonies vocales côtoient les solos de guitare explosifs. Le groupe n'hésite pas à expérimenter, incorporant des éléments de country, de jazz et même de musique classique dans leurs compositions.
Cependant, Moby Grape est également connu pour sa descente aux enfers, marquée par des problèmes de drogues, de management et de santé mentale. Les albums qui suivent ne retrouvent pas le succès du premier, et le groupe se sépare finalement en 1971. Certains membres continuent de faire de la musique, mais le nom de Moby Grape tombe peu à peu dans l'oubli.
Aujourd'hui, malgré ces obstacles et leur manque de notoriété, Moby Grape reste un groupe culte pour les amateurs de rock psychédélique. Leur talent musical, leur créativité et leur audace méritent d'être redécouverts. Comme le disait si bien Robert Christgau, « Moby Grape était le meilleur groupe américain de rock des années 60. »
Moby Grape est un rappel que la musique, même ignorée ou oubliée, a le pouvoir de résister au temps, et que les vraies légendes ne meurent jamais vraiment.
Que signifie le nom Moby Grape ?
Moby Grape est un nom assez inhabituel et il semble qu'il n'y ait pas de signification profonde derrière lui. Le nom est en fait un jeu de mots basé sur le roman de Herman Melville, « Moby Dick ». « Moby Grape » combine « Moby » de « Moby Dick » avec « Grape », un terme argotique pour « folie » ou « folle » en anglais, ce qui suggère une sorte de « folie baleine ».
Il est également intéressant de noter que la pochette de leur compilation de 1972 inclut une grappe de raisins (grape) avec une baleine (Moby Dick) à l'intérieur, jouant visuellement sur le nom du groupe.
Il convient de noter qu'en dépit de leur nom décalé et de leur image de groupe psychédélique, la musique de Moby Grape est remarquablement diversifiée et complexe, combinant des éléments de rock, folk, blues et country dans un style qui reste distinctif et innovant.
L'album Moby Grape
« Moby Grape » est une célébration du talent collectif de ses cinq membres. Chaque membre du groupe est à la fois chanteur et compositeur, ce qui crée une richesse et une diversité musicales peu communes. Les harmonies vocales, une signature du groupe, côtoient des solos de guitare incendiaires. L'auditeur est entraîné dans un tourbillon musical, allant du blues incisif de « Fall on You » au folk délicat de « 8:05 », en passant par l'énergie brute du rock'n'roll de « Omaha ».
L'album est à la fois compact et expansif. Il comprend 13 titres en seulement 32 minutes, mais chaque morceau est une microcosme en soi, offrant une expérience unique. Le jeu des trois guitares – rare à l'époque – tisse un paysage sonore riche et varié, soutenu par une section rythmique efficace et sans fioritures.
La production de l'album, assurée par David Rubinson, est claire et précise, faisant ressortir chaque détail du jeu complexe du groupe. Chaque chanson est une œuvre complète, avec des arrangements subtils qui mettent en valeur les voix uniques de chaque membre du groupe.
Parmi les moments forts, on peut citer « Hey Grandma », un tour de force qui associe une mélodie pop accrocheuse à des guitares grondantes et des harmonies vocales étincelantes. Ou encore « Omaha », avec son riff de guitare implacable et son chant exubérant qui s'élève dans un cri de joie libérateur.
Malheureusement, en dépit de son indéniable qualité artistique, « Moby Grape » n'a pas connu le succès commercial qu'il méritait, victime d'une campagne de promotion exagérée et malavisée de la part de Columbia. Cela a entraîné une certaine réaction contre le groupe, et a contribué à le faire passer sous le radar du grand public.
Mais comme le bon vin, « Moby Grape » a bien vieilli, et aujourd'hui, plus de cinquante ans après sa sortie, il continue d'étonner et de ravir ceux qui le découvrent. Il est une véritable pièce de l'histoire de la musique, un document précieux de l'époque psychédélique qui capture parfaitement l'esprit et l'ambiance de la contre-culture de la fin des années 60.
La chanson “Hey Grandma”
Dès les premières notes, « Hey Grandma » surprend. Les guitares rugissent, le rythme pulse et les harmonies vocales s'entremêlent pour créer un son aussi vibrant qu'immédiat. Le riff de guitare accrocheur et les paroles délicieusement espiègles font de ce morceau une véritable ode à la jeunesse et à la rébellion.
« Hey Grandma », c'est une aventure musicale en moins de deux minutes. La structure de la chanson est simple, mais son énergie est communicative. Les voix de Jerry Miller et de Don Stevenson, soutenues par les harmonies du reste du groupe, donnent vie à des paroles qui célèbrent l'esprit libre et la contre-culture de l'époque.
La chanson est aussi un exemple brillant de la maîtrise instrumentale du groupe. Les trois guitaristes – Peter Lewis, Jerry Miller et Skip Spence – créent un mur de son imposant qui propulse le morceau, tandis que la section rythmique – Bob Mosley à la basse et Don Stevenson à la batterie – assure une fondation solide.
« Hey Grandma » parle à la jeunesse, déguisée en vieux, mais avec un cœur jeune et une âme rebelle. Les paroles de la chanson, qui racontent l'histoire d'une grand-mère habillée de façon excentrique et insouciante de l'opinion des autres, sont une ode à l'anticonformisme.
Il y a dans « Hey Grandma » cette incroyable énergie qui rend le rock'n'roll si contagieux et qui témoigne de l'audace créative de Moby Grape. L'expression libre de soi, le refus des normes et l'exploration sans peur de nouvelles frontières sonores étaient des éléments clés de leur identité musicale, et « Hey Grandma » en est une expression parfaite.